Veulent-ils moins d'Europe?

Publié le par paskov

L’année dernière, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont proposé de geler les dépenses de l’Union Européenne jusqu’en 2020. Le Commissaire au budget, Janusz Lewandowski, l’un des derniers fédéralistes de la Commission Barroso continue de se battre. Sa proposition de budget pour l’année 2012 parue le 20 avril a provoqué presque immédiatement l’opposition des mêmes trois grands Etats Membres. Il s’agit pourtant de la seule initiative qui ait encore un sens dans la course aux égoismes nationaux, sur fond de panique électoraliste. Est-ce un signe supplémentaire qu’une solution européenne à la crise économique que nous traversons risque de ne jamais voir le jour ?

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La proposition d’augmenter le budget de l’UE de 5%

 

Selon le document préparé par la Direction Générale de Lewandowski, les dépenses de fonctionnement seraient gelées. Toutes les rencontres, publications, et autres études inutiles seraient remises en cause. Les dépenses concernant les programmes de recherche et la politique régionale (fonds structurels et fonds de cohésion) seraient quant à elles légèrement augmentée, respectivement de 13,3% et de 8,4%. Il ne s’agit pas d’une véritable hausse, mais simplement d’assurer le paiement effectif de nombreux projets déjà en cours, comme l’amélioration du réseau électrique entre l’Irlande et l’Angleterre (100 million d’euros).


Les Etats Membres, complétement etouffés par leurs déficits béants, s’y opposent automatiquement. Leur argument est absurde : Si nous faisons un effort de rigueur au niveau national, l’UE doit également se voir imposer l’austérité. C’est considérer que la solution à la crise n’est pas européenne, alors que nous vivons dans une économie globalisée.

 

Plus cyniquement, les décisions de nos dirigeants se fondent uniquement sur deux repères dans un contexte de plus en plus imprévisible: leur logiciel idéologique - bien que périmé - et les prochaines éléctions pour éviter le naufrage complet de leur parti. Il tentent de garder des marges de manoeuvres, même ridiculement minimines aujourd’hui. Par exemple, Angela Merkel ne souhaite pas trouver une solution européenne pérenne concernant le fonds de stabilité avant 2013, c’est-à-dire après les législatives.

 

Quelle fut la réponse européenne à la crise économique depuis 2008 ?

 

En premier lieu, la réponse prise dans l’urgence fut le sauvetage désordonné du système bancaire européen, pour lequel nous n’avons aucune information fiable. Chaque Etat a renfloué ses banques qui accusaient des pertes inimaginables. Le problème n’est en rien réglé, puisque une partie seulement des pertes a été transferée aux Etats, devenus à leur tour insolvables. La « crise de la dette publique » est un mensonge ressassé par les médias. Il s’agit avant tout de la crise de la dette privée.


Les Etats Membres ont conçu séparement des plans de relance pour contrer la récession : Investissements, grands projets, appels d’offre pour les marches publiques. La Direction de la concurrence de la Commission a du embaucher à tour de bras du personnel pour vérifier si ces aides d’Etats n’entravaient pas la concurrence « libre et non faussée ». Tâche impossible en raison du nombre de mesures. Les grands principes du marché unique venaient de rendre l’âme sans que personne ne s’en apercoivent. Les plans peu ambitieux n’ont pas fonctionné : l’économie européenne est toujours stagnante, le chomâge ne cesse de croître (sauf en Allemagne).


Enfin, dans l’urgence les Etats Membres ont créé un système de solidarité financière conjointement avec le FMI pour sauver la Grèce, puis l’Irlande et bientôt le Portugal. Le terme « solidarité» peut prêter à sourire quand les taux des prêts garantis restent extrêmement élevés et que des plans d’austerités envoyant ces Etats dans une récession encore plus profonde sont exigés pour l’obtention des aides. La « solidarité » est egalement douteuse quand le but inavoué est de protéger les actifs des banques allemandes en Grèce, les actifs des banques anglaises en Irlande et les actifs des banques espagnoles au Portugal, et ainsi de suite.


Le bilan est qu’il est même difficile de parler d’une « réponse européenne » à la crise. En realité, celle-ci n’a pas encore été tentée.


L’inévitable effondrement de l’UE dans les opinions

 

Jusqu’ici, le projet d’une Union économique cohérente a échoué. Les écarts entre les régions pauvres et riches se creusent et L’UE ne protège pas suffisament ses citoyens face à la crise. Le refus automatique d’augmenter légèrement le budget est un signe supplémentaire qu’une solution européenne risque de ne jamais voir le jour.


La politique régionale, la politique de la recherche ainsi que la PAC malgre ses nombreux défauts sont les seules politiques positives de l’Union. C’est par elles que les citoyens voient de leurs propres yeux les bienfaits que peuvent apporter des solutions européennes. « De l’argent ! ». En raison du budget risible mis à disposition, l’UE ne peut que produire continuellement des règles pour le bien du marché. La seule ambition de la Commission n’est t-elle pas - faute de mieux - le « New Single Market Act »? Le grand projet de Barroso pour relancer la croissance...


La première conséquence est le décrochage complet des citoyens européens à ce beau projet. Les partis populistes et extrêmes commencent à pulluler en Europe : Belgique, France, Italie, Hongrie, Finlande. En effet, celui qui mise sur la posture anti-système, et particulièrement sur la posture anti-UE, est susceptible de multiplier par 4 ou 5 ses résultats dans le contexte social actuel (voir les résultats récents des législatives en Finlande). Une telle dynamique rapelle étrangement le début des années 30. Le réveil sonne !


La deuxième conséquence d’un tel comportement est le risque que les premiers bénéficiaires des aides européennes, principalement situés en Europe de l’Est, se braquent alors qu’ils sont encore relativement euro-enthousiastes. La Pologne s’oppose activement à toutes ces tentatives de réduction de budget. Le gouvernement hongrois, dirigé par Viktor Orban, n’hésite plus a défier les autorités européennes et ses partenaires. Il en récolte une grande popularité.


La prochaine fenêtre d’opportunité : la crise espagnole

 

La crise européenne repart de plus belle avec les taux des dettes souveraines qui explosent et l'annonce du sauvetage du Portugal en pleine crise politique. Les experts nous répétaient que l'Irlande n'était pas la Grèce, que le Portugal n'est pas l'Irlande. Attendez-vous à bientôt entendre que l'Espagne n'est pas le Portugal. A ce moment, on passera aux choses sérieuses car la dimension de l'Espagne nécessitera un sauvetage d'une dimension gargantuesque. Soit La zone euro éclatera dans le sauve-qui-peut général, soit nous ferons le grand saut fédéral qui se présentera comme la solution la plus sensée dans un monde de facto globalisé. Le comportement des trois grands Etats membres précédemment cités sera naturellement décisif…


Ce grand saut fédéral devra se concrétiser par:

- Des bonds du trésor européens pour financer des politiques européennes.

- De véritables politiques européennes en se concentrant sur les secteurs qui produisent la richesse. Il ne s'agit pas d'être uniquement "smart" et "green" ou de produire encore plus de règles pour le marché comme le propose la Commission Européenne. L’expérience des politiques positives evoquées plus haut ne devraient constituer que le point de départ d’une réflexion sur notre future économie commune.

- Un encadrement de la finance pour récupérer au moins une partie des milliards qui flottent au dessus de nos tètes et ne retombent jamais dans l'économie réelle. Cela signifie l’interdiction de nombreuses activités induisant un risque systémique. D’autres fonctions assurantielles et d’investissement doivent être au contraire encouragées. L’Europe ne doit pas attendre le reste du monde et montrer l’exemple.

- Une refonte complète du système bancaire européen, la vraie origine de la crise. Les restructurations seront périlleuses mais inévitables. Pourquoi ne pas penser à des nationalisations? (L'Irlande n'a pas eu d'autre choix, autant le faire dès maintenant). Le rôle des banques doit être repensé pour être au service de l’economie et ne plus jouer les détonateurs de crises.

- Eviter de provoquer une nouvelle récession et une révolte sociale par des intenses mesures d'austérité en faisant sauter "les stabilisateurs automatiques" (les prestations sociales). Le demi million d’Anglais qui a manifesté à Londres, les députés de l’opposition qui ont provoqué la chute de Socrates au Portugal, les electeurs Finlandais et le peuple grec le confirmeront.

Publié dans Actualite de la crise

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