Une atmosphère de fin d'empire

Publié le par paskov

La littérature et le cinéma se sont souvent inspirés des mouvements historiques qui dépassent notre imagination telles que les révolutions françaises et russes. De nombreuses oeuvres ont merveilleusement décrit l'atmosphère de chacune de ces fins d'empire et il est étonnant de constater aujourd'hui que nous entamons la même longue marche funèbre. Car nous avons la chance (ou le malheur) d'être à notre tour aux premières loges! Plongés dans un cadre encore abstrait que nous essayons de nous représenter et qui devient peu à peu realité.

 Quelques exemples très subjectifs:

 

braises.jpgLes derniers réglements de comptes: Dans Les braises de l'écrivain hongrois Sandor Maraï, deux amis d'enfance, devenus vieillards se recontrent après 41 ans dans un château à la campagne. Ils sont tous les deux mourants comme l'empire austro-hongrois bientôt emporté par les totalitarismes. Ils ont été de glorieux acteurs de l'empire, l'un artistiquement, l'autre militairement. Au bout de la nuit, ils finiront par se cracher leurs vérités au visage, même si tout cela n'a plus de sens, même si tout s'effondre autour d'eux.

Au sein des élites politiques actuelles, on assiste à une série extraordinaire de réglements de compte. En France, en Italie, en Espagne, il ne s'agit plus de stratégies pour se maintenir au pouvoir, mais de vengeances quasi-personnelles, où l'on rejette sans cesse la faute sur l'autre.

 

SOLEIL-TROMPEUR.jpgLa nostalgie d'un monde disparu: L'oeuvre du cinéaste russe Nikita Mikhalkov transpire la nostalgie des fastes de l'empire des tsars. La révolution et le nouveau régime n'apportent que la mort, symbolisée par cet étrange "ami" qui rend visite à une ancienne famille aristocratique dans une belle Datcha (film Le soleil trompeur). Cette nostalgie chez Mikhalkov est presque maladive, il ne voit dans le servage et l'autoritarisme des tsars que des défauts mineurs de l'époque, des malencontreuses erreurs historiques.

Ainsi la génération des baby boomers regarde avec incrédulité la situation précaire de leurs enfants aujourd'hui, dont la moitié ne trouvent pas d'emploi. Ils se disent qu'ils ont vécu une belle époque de croissance et de progrès, et que celle-ci ne semble déjà plus qu'un lointain souvenir.  


romulus.jpgLa prédominance de l'absurde: Dans la pièce Romulus der Große, Friedrich Dürrenmatt se moque de la fin de l'empire romain avec un humour délirant. Les mauvaises nouvelles pleuvent: Les caisses sont vides! Les soldats désertent! Les barbares arrivent! Odoacre se tient aux portes de Rome. L'empereur préfère la sieste, discuter avec le chef cuisinier pour décider du repas, s'occuper de ses poules dans le jardin impérial. Il pose la question: Que puis-je y faire?

Quand un évènement nous dépasse, nous avons naturellement tendance à réagir avec humour pour conjurer l'absurdité de la situation. Quand même le comportement de nos élites devient absurde, alors oui, nous sommes bien en fin d'empire. Dernier exemple en date: le commissaire européen Oettinger propose de mettre en berne les drapeaux des pays trop endettés dans les institutions européennes. 


GUEPARD.jpgL'attitude noble de la classe mourante: Dans le Guépard de Visconti, une famille aristocratique sicilienne se réfugie dans une maison campagne en pleine révolution des chemises rouges. Le chef de la famille, le prince de Salina (Burt Lancaster, génial) a compris "qu'il faut que tout change pour que rien ne change". Cette révolution n'est qu'une simple substitution de classes. Les bougeois remplaceront les nobles. Il accepte ainsi de marier sa fille à un membre d'une famille de commerçants, choquant tout le monde. Lors de la dernière scène, il déambule dans les couloirs d'un somptueux palais qui accueille un bal désormais anachronique. Il n'attend plus que la mort, la disparition de son espèce. 

Malheureusement, il est peu probable qu'on ait droit à une attitude aussi noble de la part de notre classe dirigeante actuelle qui a lamentablement echoué... On assiste cependant, avec toujours la même cadence, à l'organisation de grands galas et de prestigieux congrès qui réunissent les figurants de la "politiquesans aucune inspiration, complètement résignés


Les fins d'empire apportent malgré tout quelque chose de très positif: Après deux décennies pas extraordinaires: les 90's et les 2000's, on ressent une espèce de réveil artistique. Les plus belles oeuvres ne sont-elles pas nées dans les pires moments?

Publié dans Réflexions

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article