Qui a sauvé l'Europe pour noël?
La valse des fêtes a comme d'habitude permis d'éclairer le mois le plus sombre de l'année. Les vitrines des grands magasins se remplissaient de néons entremêlés, de peluches en mouvement et de guirlandes débordantes. La neige empêchait de nombreuses âmes de s'y rendre, provoquant une série de drame nationaux sans précédent dans l'histoire de la consommation, pieusement relayés par tous les médias.
Pendant tout ce mois de décembre, une question ne se posait jamais, ou du moins uniquement à un petit cercle d'initiés haussant les épaules: Qui a sauvé l'Europe?
Selon le discours officiel, les gouvernements de l'Union rassemblés lors de Conseils Européens de plus en plus fréquents ont sauvé la Grèce, puis l'Irlande de la banqueroute. L'incendie a été éteint grâce à des prêts garantis par les Etats et le FMI. Un mécanisme permanent de crise sera instauré à partir de 2013 après une modification chirurgicale du traité de Lisbonne. J'avais utilisé l'image d'une brêche dans un barrage qu'on aurait colmaté avec du scotch. Depuis deux ans, nous continuons à procéder de la même manière, suivi du discours rassurant sur la future croissance en 2010... Pardon, à présent il faut dire 2011! Puisque la croissance en France en 2010 a été de 0,5% en moyenne alors que le gouvernement espérait atteindre 1,6%. Les chiffres sont négatifs dans le sud de l'Europe, stagnent en Angleterre. Le discours de la "reprise" a quasiment disparu des médias! Bientôt, il ne restera aux voix officielles que l'appel à l'union nationale avec un ton paternaliste, destiné aux "enfants citoyens" que nous sommes.
Mais ont-ils réussi à sauver, même temporairement, l'Europe? Les plans de sauvetage accompagnés de l'austérité généralisée ont-ils rassuré les marchés, autrement dit les prêteurs? A première vue, il semble que oui. Les taux exigés sur les dettes souveraines se sont calmés après avoir atteint des sommets historiques (Le Portugal, l'Espagne, l'Italie, et la Belgique sont en première ligne). Nous nous sommes un petit peu éloignés du bord du précipice pendant le mois de décembre.
Cependant l'annonce par le Conseil du sauvetage de l'Irlande un dimanche soir, le 28 novembre, n'a pas réussi à traverser la Manche, ni la mer d'Irlande et a fait un grand "plouf!". Le lendemain, la réaction des marchés a été limpide: Les bourses s'effondraient à nouveau, les taux des dettes souveraines explosaient et l'Irlande continuait de sombrer dans les abîmes. Il fallait attendre une accalmie mardi et respirer enfin le mercredi. Que s'est-il passé entre l'annonce du sauvetage et l'accalmie?
Premièrement, ce sont les interventions de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui ont rassuré les marchés. Par ce qu'elle surnomme des mesures non conventionnelles, la BCE se comporte comme la Federal Reserve aux Etats-Unis en achetant des actifs qui peuvent être des obligations d'Etat, (ce qui permet de peser à la baisse sur les taux longs) mais aussi des billets de trésorerie émis par les entreprises ou les banques. Autrement dit, elle fait tourner la planche à billets, en complète contradiction avec ses statuts dictés par la doctrine allemande: l'objectif de la stabilité des prix. Cette décision de recourir à l'assouplissement quantitatif, a provoqué de terribles disputes au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, le camp allemand s'opposant au camp latin, laissant planer l'incertitude quant aux prochaines orientations.
Deuxièmement - il s'agit sans doute de la plus grande nouvelle de cette fin d'année, si ce n'est de la décennie - la Chine a rassuré les marchés en déclarant qu'elle allait racheter de la dette irlandaise, après avoir racheté de la dette grecque. Elle maintient à elle seule le système monétaire, banquaire, financier mondial à flot. En ce début d'année 2011, elle s'apprête à racheter de la dette portugaise et espagnole. Les Européens semblent toujours incapables de se comporter en adultes responsables. Passifs et béats, ils observent avec inquiétude la monnaie qu'ils ont créée et dont dépendent aujourd'hui des millions de citoyens qui ne demandent qu'une vision pour l'avenir.
Combien de temps la Chine va t'elle remplir le rôle du père noël providentiel? Certainement pas indéfiniment si ses requêtes restent sans réponses. Depuis deux ans, elle demande lors de chaque G20 une refonte complète du système monétaire mondial, en créant un panier de monnaies dont l'euro, le yuan, le rouble, le yen afin de rétablir un véritable équilibre. Le dollar n'aurait plus alors son statut de monnaie de réserve, un privilège que les Américains défendront jusqu'au bout.
En attendant la chute prochaine du Portugal, il ne nous reste qu'à espérer que chaque jour soit noël!